top of page

"Une place ça ne se donne pas, ça se prend !"

Nous sommes au printemps 2006 et je viens d'être embauchée comme directrice régionale auprès du leader européen de la location de matériel pour réception. Mes clients sont des traiteurs ayant pignon sur rue, de grandes entreprises ou encore de prestigieux espaces.


On m'a prévenue que cela serait difficile pendant mes entretiens de recrutement, en me demandant : "Et cela ne vous fait pas peur de postuler à un job d'homme ?"

Et moi de répondre "Même pas peur !"

Très enthousiaste et excitée à l'idée d'assumer de belles responsabilités dans un secteur de l'événementiel que j'affectionne tant... si j'avais su...

Mais je ne savais pas !

À 35 ans je me sens au top, fière de ce mandat, désireuse de prouver à tous ma valeur, que je suis capable d'assumer comme un homme, que je suis forte, que je peux tout gérer pareil !

WONDER WOMAN !

Seule femme directeur du groupe, je me retrouve à la tête de 2 centres de profits et de 25 personnes dans un métier difficile : des clients très exigeants, une main d'oeuvre qualifiée (chauffeurs poids lourds) rare, des conditions de travail difficiles (horaires 7/7), des employés jeunes et peu fiables (vols, bagarres, mensonges)... Je m'aperçois très vite que le challenge va être de taille !

En quelques semaines, moi qui après mon congé maternité (de mon 3e enfant) rêvais de revenir au travail pour m'accomplir dans ma vie professionnelle, retrouver des relations d'adultes, partager autour d'un petit café 5 mn tranquille le matin..., je suis servie :

- chaque matin je fais le tour de l'entrepôt pour saluer les équipes et je dois faire face à d'innombrables problèmes à traiter, à tel point que je ne parviens à la machine à café qu'en toute fin de matinée !

- je déteste les conflits et je ne sais pas dire non, et pourtant je dois très vite sanctionner et licencier près de la moitié du personnel pour le remplacer par des personnes plus motivées et fiables,

- je me fais insulter régulièrement par des clients mécontents, dont un qui manque de me casser la figure et qui se retient à la dernière seconde, réalisant sans doute que j'étais une femme...

- sans parvenir à recruter comme je le souhaiterais je dois faire le travail de 1 puis 2 personnes en plus du mien...

Tiens, comme dans mes 2 précédents emplois d'ailleurs...


Bref c'est la pagaille pour moi à ce moment là !


J'ai de longs et sages échanges avec mon directeur opérationnel de l'époque, qui fait office de bouée de secours pour moi à ce moment là. Un jour il me partage cette phrase qui continue de m'accompagner, depuis, comme un mantra (qui deviendra d'ailleurs le thème de ma formation la plus demandée à EML Executive pendant 10 ans : L'Assertivité, pour prendre sa place) :

Une place ça ne se donne pas, ça se prend !

Cette injonction résonne dans ma tête comme une partie de ping pong. Je sens que c'est la clé, mais je me sens si peu légitime alors... J'ai le titre de directrice, le gros salaire, la belle voiture de fonction, je suis reçue comme un ministre quand je vais au siège social, et pourtant... mes genoux jouent des castagnettes !

Comment puis-je arriver à prendre ma place dans un rôle qui me demande d'être forte et dure, impassible, endurante,... de 9 à 20h chaque jour + les astreintes du week-end... alors que je suis d'une nature emphatique, créative, douce, qui aspire à faire grandir et développer, autant qu'harmoniser et fédérer ?

Et je ne parle pas de ma vie de famille avec des enfants en bas âge, ni de mon état de stress qui se manifeste par un urticaire tenace qui gagne du terrain...

Motiver et entraîner ? OUI !

Mais pas à coup de triques et de mitraillettes, car je refuse que la vie soit une guerre.


Alors un soir je craque : il est 21h, quand on m'apprend qu'il manque 60 serviettes en tissus pour une prestation du lendemain matin au palais des congrès de Lyon, pour un client très exigeant, que je risque de perdre sur un impair supplémentaire.

"Sans doute une erreur dans l'inventaire des stocks..."

Je tente d'appeler d'autres centres : Dijon, Paris, Nice... Mais il est trop tard, je ne parviens pas à joindre mes collègues...

En désespoir de cause, je retourne dans le dépôt pour vérifier encore une fois : il y a bien des nappes en plus, mais pas de serviettes...

Tentant le tout pour le tout, désespérée, je saisis le tissus encore cellophané dans l'intention de le transformer en serviettes d'ici demain 6h avec ma machine à coudre... Même si je dois y passer la nuit !

Et là je découvre en ouvrant le plastique que ce sont des serviettes : Alleluia !

Je suis sauvée, mais aussi sonnée !

"Hein, quoi ? J'étais prête à passer ma nuit à coudre des serviettes pour sauver ma peau ?!"

Ah cet instant c'est un déclic énorme pour moi qui me fait dire POUCE, STOP, ça ne pourra pas durer ! Et c'est cette nuit là que je décide de quitter cette folie professionnelle...

Je prends l'engagement avec moi-même de me lancer à mon compte et de créer très vite ma propre entreprise : ce sera celle des gens heureux. Au programme bonheur pour tous ! Pour les clients comme pour les salariés... Mais ça c'est une autre histoire...

Et le comble, c'est que lorsque je quitterai cette entreprise quelques mois plus tard, je partirai avec les éloges (lors d'un magnifique banquet organisé en mon honneur) et recevrai comme cadeau de la femme du fondateur un carré Hermès nommé "Force de la nature", en hommage à mon incroyable combativité !

LOL


La suite dans un prochain épisode.

To be continued...

15 vues0 commentaire
bottom of page